Hsia-Fei Chang, Worst Day of My Whole Life
Centre d’Art de Dudelange, Luxembourg
2015

Toute la finesse de la démarche de Hsia-Fei Chang est dans cet « air de rien du tout », dans cette impression de légèreté girly qui a vite fait d’exprimer une violence terrible (car triviale) – la lourdeur de l’ennui, le ridicule des habitudes, la longue semaine d’une femme battue – ; mais aussi les angoisses du vide, de la solitude, de la peur, de l’amour, du mensonge, de la trahison, du regret. Et la violence d’être à son tour détournée par un humour qui n’a rien de cynique ou d’ironique, au contraire : c’est drôle, tendre et humble. L’artiste ne juge pas et surtout, elle ne laisse aucun sentimentalisme facile transpercer son travail. Des émotions oui, sincères et perçantes. Surtout des émotions immédiatement identifiables et absorbantes. Absorbantes comme ces belles photographies qui font écho au fait divers relaté, à l’histoire racontée ou au néon qui nous guide dans le cheminement de l’artiste.

Hsia-Fei Chang est connue pour ses performances décalées et un peu trash, tout aussi jouissives qu’inquiétantes, en apparence naïves, et en réalité à la fois profondément critiques et fascinées par la culture populaire. Autre particularité de cette exposition, l’artiste propose au spectateur de devenir lui-même performeur. The Worst day of my Whole Life ressemble en effet à une déambulation dans un roman d’artiste : il faut le lire. Les distractions de la Société du spectacle (2) sont ici sensiblement moins présentes, mais Hsia-Fei Chang, en parlant de sa vie privée ou d’un « simple » meurtre parmi tant d’autres aux États-Unis, part d’une singularité pour susciter des sentiments universels : elle efface ainsi les distances entre ce qu’elle raconte et son public. Et c’est bouleversant.